ça fait déjà 3 semaines qu'on nous bassine avec Shumacher, Dieudonné et l'affaire Hollande-Gayet, (alors que je ne vois pas de rapport dans la mesure où Dieudonné n'a pas de casque mais un bonnet) et on en oublie l'essentiel. Pourtant, il y en a des choses à dire, sur la pernicieuse dérive sociétale à laquelle notre monde moderne est soumis. Tenez, pour l’illustrer, hier encore je demande une galette des rois, la boulangère me répond:
-" Il nous en reste qu'à la pomme ou aux fruits rouges".
J'en suis resté sur le flan(c) !
-"De la galette des rois, c'est forcément à la frangipane, m'exclamai-je, presque offusqué!"
-"Oui mais on en fait à la pomme et aux fruits rouges pour ceux qui n'aiment pas la frangipane". Insistait-elle, la gueule enfarinée.
Quelle époque! Vous rendez-vous compte! Mais c'est un détournement quasi blasphématoire, que dis-je, une insulte faites aux fondamentaux de la pâtisserie. Une galette aux pommes, mais c'est un sacrilège! Que celui qui n'aime pas la frangipane engloutisse tous les chaussons qu'il veut, mais qu'il me laisse tranquille avec ma frangipane. Est-ce que je lui pique son pain au chocolat, moi? Non ! Alors!
Bientôt chez Nicolas on vous demandera:" votre Gigondas, vous le préférez fait avec du raisin ou des groseilles?" . C'est vrai, qu'à notre époque formidable, on fait du sucre sans sucre, du café décaféiné, du lait sans crème, du beurre sans matière grasse de sorte que bientôt, vous verrez, on aura droit au miel sans abeille.
De la galette aux pommes! J’en reviens pas encore. Au restaurant on ne vous dit pas:" vos frites, je les fais avec des pommes de terre ou des topinambours"?
A ce train là, je m'attends à ce que la pharmacienne me propose de sucer des suppositoires, sous prétexte que certains ne supportent pas les pastilles contre les maux de gorge.
Mais revenons à ma galette. Comme j’étais bredouille, je suis allé dans une autre pâtisserie et là, comme galette, pour couronner le tout, il n'y en avait plus qu'au parfum « poire-chocolat ». Je n'ai pas pu m’empêcher de dire :" Et comment vous faites pour ceux qui n'aiment pas la pâte feuilletée?"
Déjà, qu'au prix de longues séances chez le psy, ce qui augment considérablement le coût de la pâtisserie, je fais régulièrement des efforts pour contenir mon exaspération quand on me propose des éclairs à la pistache parce qu'il y en a plus au chocolat, alors s'agissant des galettes, pas question de consentir un compromis. Dois-je rappeler que la galette ne garnit l'étalage que pendant le mois de janvier et que ceux qui n'aiment pas la frangipane ont douze mois pour ingurgiter toutes les tartes aux pommes qu'ils désirent. J'aime pas les cerises, c'est pas pour ça que je me transforme, chaque mois de mai venu, en sérial emmerdeur. Je ne mange pas de clafoutis et puis basta. Je ne pratique pas la dictature du clafoutis au pruneaux, au citron ou à l'abricot, moi. Je prends autre chose. un éclair au chocolat, par exemple, s'il en reste.
La prochaine fois, à la boulangère qui me propose sa pseudo galette, c'est juré, je lui dis que je n'ai plus d'euro et lui demande si elle préfère que je la paie en rouble ou en livre sterling. Non mais, faut quand même pas me prendre pour un pigeon! Je me farcis déjà le sempiternel couplet sur la baguette, qui donne lieu à des dialogue du genre:
-Bonjour madame, pourrai-je avoir une baguette, s'il vous plaît?
-Une baguette moulée?
-Non, une comme ça.
-Une pétri-campagne, alors
-Oui, une pétri-campagne.
-Nature ou aux graines?
-Sans graine.
-Bien cuite ou pas trop?
Etc, etc...
Si vous saviez comme j'en ai marre, si vous saviez comme je regrette le temps où il suffisait de demander une baguette, un pain ou une boule, sans devoir se creuser la cervelle encore encombrée des multiples problèmes de la vie moderne. Quand on voit ce qui se passe aux élections et qu'on apprend que 20% des votants sont encore indécis à l'entrée du bureau de vote, on comprend pourquoi il y a la queue devant les boulangeries. Et je ne compte même pas les abstentionnistes!
J'en ai marre, vous m'entendez, j'en ai ras le bol, cette histoire de galette, j'ai beau être une bonne pâte, ça me prend le chou. Mais je ne vais pas me laisser faire comme ça. Je pars en croisade. Sus à la contrefaçon. Les chinois peuvent bien faire des galettes au teckel que je m'en tape, s'il ne nous les envoie pas! Mais chez nous, au pays de Briat Savarin et de Le Notre, pas question d'accepter un ersatz de galette. Ils peuvent bien y mettre du caviar dedans pour le même prix, ne comptez pas sur moi pour me laisser dévoyer les papilles, pervertir le palais et corrompre la gosier.
Moi, j'aime pas le rhum et on ne m'a jamais proposé des babas à l'ar̀magnac que je sache!
Alors, je vous l'assène solennellement, levez-vous braves gens pour réclamer, la seule, la vraie, l'authentique galette à la frangipane. Refusez toute parodie, tout plagiat, tout pastiche et toute caricature de galette. Il en va de la pérennité d'un pan important de notre patrimoine culinaire.
Tous debout pour galette pour éviter qu'elle suivre la même voie que le socialisme en France qui, à force d'en proposer à tous les parfums, va finir par s'écarter définitivement de la recette originale.